En décembre 2007, la Commission fédérale des banques (CFB) a été saisie d'une requête d'entraide administrative de l'Autorité française des marchés financiers (AMF). Cette dernière enquêtait sur un délit d'initié en relation avec le titre X. Dans ce cadre, la CFB a été amenée à clarifier les circonstances de transactions effectuées sur le titre précité par la succursale de Genève de Bank Leumi (Schweiz) AG (banque Leumi) à l'automne 2007. Ces transactions se sont déroulées comme suit. Le 28 septembre 2007, un client A contactait la succursale de Genève et instruisait l'achat de titres X sur le marché français. En suite de cet appel, la succursale de Genève décidait d'acheter des titres X pour ses clients gérés B et C. Aucun client n'avait de contrat de gestion de fortune écrit. A cause d'un manquement informatique, le système électronique de la banque n'a pas enregistré "fiablement" à l'interne les ordres précités. En outre, le Relationship Manager qui a introduit les ordres dans le système a indiqué, de manière délibérée, certaines fausses dates sur le moment du passage de l'ordre. Lorsque la CFB a demandé au Compliance de la banque de lui communiquer le détail des transactions du 28 septembre 2007, celui-ci, n'ayant à disposition ni journal des valeurs mobilières fiable ni dossiers clients complets, n'a eu d'autre choix que de reconstituer l'essentiel des informations requises selon les déclarations des employés de la succursale de Genève. Sur la base de ces informations, la CFB a considéré qu'il fallait envisager la transmission des noms des clients à l'AMF.
Un avocat est alors intervenu devant la CFB en tant que représentant des clients A, B et C. Cet avocat était également rattaché à l'étude qui agissait à l'époque comme conseil légal externe de la succursale de Genève. A l'initiative de l'avocat des clients et sur la base d'un modèle de lettre établi par celui-ci, la succursale de Genève a fait spontanément parvenir à la CFB un premier courrier, à l'entête de la banque, indiquant que la banque avait conseillé le titre X à ses clients, dont les clients A, B et C. Une vingtaine de jours plus tard, un deuxième courrier, confirmant le premier et élaboré en collaboration avec l’avocat, a été rédigé par la succursale de Genève et transmis par l'avocat à la CFB à l'appui de ses écritures. Ces deux courriers, à l'entête de la banque, visaient à induire la CFB en erreur et à lui faire croire que le client A, comme les clients B et C, avait été conseillé par la banque. Leur but était que la CFB considère les clients A, B et C comme des tiers non impliqués et renonce à une transmission de leur nom à l'AMF. Les deux courriers étaient cosignés par des Relationship Managers de la succursale, en contact avec l'avocat externe, et par la directrice de la succursale de Genève, notamment à la demande expresse de l'avocat qui souhaitait leur conférer ainsi plus de poids.
Au printemps 2008, le Compliance de la banque s'est rendu compte de l'affaire et en a informé sans retard la CFB. L'autorité de surveillance a alors ouvert une enquête contre la banque. Dans le cadre de cette enquête, la banque a activement collaboré à l'établissement des faits l'incriminant. Elle a rapidement identifié ses manquements et y a remédié.
Par décision du 20 juillet 2009, désormais entrée en force, la FINMA a constaté que la banque Leumi avait gravement violé la garantie d'une activité irréprochable selon l'art. 3 al. 2 let. c LB en (1) ne respectant pas les règles sur la tenue du journal des valeurs mobilières ainsi que sur la tenue des dossiers des clients sous mandat de gestion discrétionnaire; (2) ne disposant pas d'une organisation adéquate correspondant à son activité, notamment en n'identifiant pas et en ne gérant pas de manière adéquate le conflit d'intérêt qui l'opposait à son avocat-conseil; (3) transmettant volontairement des informations erronées à la Commission fédérale des banques dans le cadre de l'exécution d'une requête d'entraide. La FINMA a ordonné la publication d'un extrait de la décision en application de l'art. 34 LFINMA.
Dès qu'ils ont eu connaissance des faits, le conseil d'administration et la direction générale de la banque ont, avant même la décision de la FINMA, pris toutes les mesures pour rétablir l'ordre légal.
La FINMA a procédé à des dénonciations pénales, notamment contre l'avocat des clients concernés par la procédure d'entraide.
Cédric S. Mauvernay
Source : FINMA; ASB
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