dimanche 27 mai 2012

Le "Soft Power", la stratégie efficace pour un Etat? (Partie 2)

Consulter la première partie de cet article "Le "Soft Power", la stratégie efficace pour un Etat? (partie 1)"

Ressources du Soft Power

Nye explique que le Soft Power d'un pays est basé principalement sur trois ressources : la culture (à condition que les autres pays soient attirés par cette culture), les valeurs politiques (qu'elles soient à la hauteur et en accord en politique intérieure et extérieure) et les politiques étrangères (qu'elles soient légitimes et morales).

La culture est un ensemble de valeurs et de pratiques qui créent un sens pour la société. La culture a plusieurs formes. En général, on distingue la haute culture comme la littérature, l'art, l'éducation supérieure qui intéressent les élites, et la culture populaire qui se concentre plutôt sur le divertissement de masses.

Quand la culture d'un pays possède une valeur universelle, et qu’il mène des politiques qui partagent des valeurs et des intérêts communs avec d'autres pays, elle augmente la possibilité d'obtenir le résultat voulu par l'attraction et le sentiment de devoir produit par cette attraction. La culture qui n'est pas universelle et qui est limitée et médiocre, ne peut pas produire de Soft Power.

Quelques analystes traitent le Soft Power comme la simple puissance de la culture populaire. Ils confondent les ressources culturelles et le comportement d'attraction. Il est vrai que la culture populaire est une des ressources qui produit le Soft Power, mais le Soft Power ne se limite pas qu’au phénomène global de la culture populaire.

Les politiques gouvernementales peuvent renforcer ou dégrader le Soft Power. Si la politique intérieure ou la politique extérieure est hypocrite, arrogante, indifférente aux opinions des autres ou qu'elle a une approche limitée aux intérêts nationaux, cela peut nuire au Soft Power. Les valeurs qu'un gouvernement montre par ses actions (par exemple la démocratie dans la politique intérieure, la coopération en institutions internationales, et la promotion de la paix et les Droits de l'Homme en politique étrangère) peuvent influencer les préférences des autres pays. Les gouvernements peuvent attirer ou repousser les autres par les exemples qu'ils donnent. 

En revanche, le Soft Power n'appartient pas au gouvernement autant que le Hard Power (par exemple, la force militaire qui est une ressource en Hard Power est strictement gouvernementale). Les ressources du Soft Power sont souvent indépendantes du gouvernement. 

Limites du Soft Power

Il est important de vérifier les conditions dans lesquelles il est possible de retirer plus de résultats voulus par l'attraction. Par exemple, pour que la culture populaire du pays A devienne la puissance d'attraction et produise un effet de Soft Power sur le pays B, il faudrait que les cultures du pays A et du pays B soient similaires. Toutes les puissances dépendent de contextes : qui est lié à qui, sous quelles conditions. Pour le Soft Power, il est important d'avoir les acteurs qui le reçoivent, l'interprètent et le transmettent volontairement, plus que le Hard Power. De plus, les effets du Soft Power sont dispersés et vagues, et ne donnent pas qu’une action spécifique. Ils créent plutôt une influence générale. 
Notre époque de l'information globalisée

Dans les pays démocratiques, la puissance d'aujourd'hui est moins coercitive et tangible qu'auparavant. En même temps, la plupart des pays ne sont pas encore au stade de la démocratie avancée. Par exemple, dans les pays africains et du Moyen-Orient, beaucoup ne sont pas encore arrivés à l'industrialisation et sont essentiellement basés sur l'économie agricole; leurs institutions sont fragiles. En conséquence, cette situation limite la transformation globale de la puissance.

Dans ce monde divers, les trois ressources de la puissance (militaire, économique, soft) sont toujours utiles et importantes et chaque relation nécessite ces puissances avec les niveaux différents. Mais, si la tendance économique et sociale actuelle bouleversée par la révolution informatique continue, le Soft Power serait la plus importante puissance parmi les trois. 

La révolution informatique et la globalisation économique ont transformé et ont « rétréci » le monde. Les communautés virtuelles sont apparues, les réseaux sans frontière sont créés. Les entreprises multinationales et les acteurs non-gouvernementaux (y compris les organisations terroristes) joueront un rôle de plus en plus important. Et ces organisations auront leur propre Soft Power. Elles attireront les personnes, sans considération de frontières des pays. A ce moment-là, la politique devient une compétition pour l'attraction, la légitimité, et la crédibilité. La capacité de donner des informations, et le fait qu’elles soient reçues avec confiance, seraient une ressource importante d'attraction et de puissance. 

L'importance de Soft Power sera de plus en plus grande dans notre époque de l'information. Les pays qui veulent renforcer leur Soft Power devraient avoir plusieurs voies de communication pour encadrer leurs programmes et arriver à des résultats : avoir la culture et les idées proches des normes globales (libéralisme, pluralisme, autonomie) et être crédibles concernant les valeurs et la politique intérieure ou étrangère. 

Ce Soft Power, dont nous aurons besoin de plus en plus, n'est pas un simple résultat des actions officielles de gouvernement, mais aussi un sous-produit de la société économique et sociale. Il arrive que les actions des associations à but non lucratif puissent bloquer ou rendre compliqués les efforts des gouvernements, de même des entités commerciales traitant la culture populaire peuvent aider ou freiner les objectifs de gouvernement.

"Power shift" et "Network"

Les pays émergeants et les acteurs non-étatiques sont en train de changer le système international. Avec la mondialisation, "le monde est plat" (The World is Flat : l'expression de Thomas L Friedman) : l'interdépendance mondiale et l'évolution de la technologie informatique produisent de plus en plus de communication inter-étatique mais aussi celle des acteurs non étatiques et interpersonnel. La nécessité de travail collectif et de collaboration apparaisse.

Le plus important, c'est d'apprendre à combiner le Soft Power et le Hard Power ce qui devient le Smart Power.


Trois types de Puissances
(à partir du tableau p.31 "Soft Power" Joseph Nye)


En savoir plus :


 Joseph Nye à propos des fluctuations du pouvoir dans le monde, TED global 2010


Joseph Nye : Contextual Intelligence

Le "Soft Power", la stratégie efficace pour un Etat? (partie 1)


Joseph S. Nye, Jr.
source 
Le Soft Power de Joseph Nye

L'idée de «Soft Power» est apparue pour la première fois en mars 1990 dans l'article «The misleading metaphorof decline» de Joseph Nye. Nye répondait aux thèses «déclinistes» de l'époque, présentées par Paul Kennedy. Ensuite, il a conceptualisé ce «Soft Power» dans le livre «Bound to Lead».

Joseph Nye est professeur à l’université de Harvard, expert à CSIS (Center for Strategic & International Studies), ancien adjoint au sous-secrétaire d'état sous l'administration Carter (1977-1979), ancien président au National Intelligence Council (1993-1994), ancien secrétaire adjoint à la Défense sous l'administration Clinton (1994-1995) et président du groupe nord-américain au sein de la Commission Trilatérale. Nye a développé avec Robert Keohane, dans les années 70, le courant théorique néolibéral et le concept de «complex interdependence» (pdf) (les phénomènes d'interdépendance et les relations transnationales) dans le domaine des relations internationales.

Le Soft Power, «La puissance douce» en français, correspond au pouvoir d'attraction et de séduction. Selon Nye, le Soft Power est la capacité d'obtenir ce qu'on veut par l'attraction plutôt que par coercition ou récompense. L'idée du Soft Power existe depuis toujours (cf. l'art de la guerre de Sun Tzu (pdf))dans la politique internationale : la puissance du pays se fait par la force militaire et économique, Hard Power, et la puissance pour bouger et influencer l’opinion publique, Soft Power. Nye l’a développé comme concept de politique étrangère, et depuis la parution en 2004 de son livre «Soft Power : Means to Success in World Politics», les diplomates, les universitaires et les économistes n’ont pas cessé de débattre sur ce sujet.

Puissance

Nye définit en premier lieu ce qu'est la puissance (Power). Il expose que la puissance est comme le temps (météo), tout le monde en dépend et en parle, mais peu le comprenne. C'est aussi comme l'amour : quelque chose qu'on ne peut ni définir, ni mesurer, mais réel. La puissance est la capacité de produire le résultat que l’on veut, mais aussi la capacité d'influencer le comportement des autres pour obtenir le résultat désiré. Pour cela, il y a plusieurs voies : exercer des pressions par la menace, donner une récompense, ou attirer ensuite coopter.

Nye qualifie la politique internationale actuelle comme une partie d'échecs en trois dimensions. On peut gagner si on joue horizontalement aussi bien que verticalement. La plus haute partie de l'échiquier est celle des relations militaires traditionnelles inter-étatique où l'hégémonie américaine unipolaire existe encore. Mais, dans la partie centrale qui concerne les relations économiques internationales (commerce international, l'anti-monopole ou les régulations financières), les Etats-Unis ne peuvent plus obtenir ce qu'ils veulent sans consentement de l'UE, le Japon, la Chine et les autres. Dans cette partie, la distribution des puissances est multipolaire. Enfin, la partie la plus basse de l'échiquier est transnationale, là où se croisent les problèmes de terrorisme, les crimes internationaux, le changement du climat, la propagation de maladies contagieuses. Ici, la puissance est largement dispersée et désordonnée entre les organisations étatiques et non-étatiques. Nye affirme que beaucoup d'hommes politiques ne s'intéressent qu'à la partie haute de l'échiquier, c'est-à-dire aux sujets militaires, et qu'ils ne jouent que dans une seule partie de l'échiquier alors que le jeu est en trois dimensions. A long terme, c'est une stratégie perdante, parce qu’obtenir les résultats favorables dans la partie la plus basse, transnationale, nécessite l'utilisation du Soft Power.

Le Soft Power est la puissance qui rend les autres envieux d’obtenir les mêmes résultats que nous; cela se réalise plutôt par la cooptation que par la force ou la pression.

Il s'appuie sur la capacité à former les préférences des autres. Dans la vie privée de chacun, nous connaissons la puissance de séduction et d'attraction. Dans le monde des affaires, les chefs d'entreprise et les cadres compétents savent que pour obtenir un meilleur leadership, il ne suffit pas de commander, mais il faut montrer l'exemple et attirer les autres vers ce qu'ils veulent. Il est difficile de diriger une grande organisation seulement par les ordres. Les salariés doivent adhérer aux valeurs des dirigeants. Les leaders doivent partager des valeurs que les autres acceptent et admirent.

Puissance
(traduit à partir du tableau p.8 "Soft Power" Joseph Nye)

Le Soft Power et Hard Power sont reliés. Les deux partagent le même objectif d'arriver à un but en influençant les comportements des autres. La différence entre les deux, concernant la nature des comportements ou la tangibilité des ressources, est relative à la question de degré : dominer ou commander (la capacité de changer leurs comportements) peut se faire par la coercition ou l'incitation. Coopter (la capacité à former et cadrer ce que les autres veulent) peut se faire par le charme de la culture ou par des valeurs.

En savoir plus : 

samedi 19 mai 2012

Les banques, bouc émissaires des médias ?

Depuis la crise des subprimes en 2008, la "grande récession" qui l'a suivie, et aujourd'hui la crise de la dette, les économistes sont toujours en phase de questionnement quant à l'origine réelle de ces dysfonctionnements à échelle mondiale dont il n'est plus nécessaire de dépeindre le triste tableau qui en découle.

En ce qui concerne les médias, l'un des coupables majeurs a été tout désigné. En cette période de dépression économique, les banques incarnent le parfait responsable et la presse s'attaque sans mesure à leur réputation. Tournées en dérision, décrédibilisées et souvent mêmes ridiculisées, il n'y a plus une semaine sans que l'on croise un article de presse, une publicité ou un rapport complet sur le sujet. Alors que le taux d'épargne a symboliquement dépassé le record historique de 1983 (16,6%) pour atteindre 16,8% (source INSEE), le climat de confiance entre usagers et banques est plus que jamais précarisé. 

En effet, difficile pour le client lambda de se faire une opinion quand une publicité télévisée sur la Caisse d'épargne qui vante les relations de confiance est suivie par une publicité pour Kit Kat où le figurant préfère rester sur île déserte plutôt que d'aller au mariage de sa sœur avec "son banquier". Le magazine Capital titre ce mois-ci en première de couverture "Les banques au banc d'essai : celles qui vous rapportent et celles qui vous grugent". Début avril, le magazine Que Choisir Argent (association de consommateurs) publiait également toute une enquête où véritables données côtoyaient des caricatures d'entretiens entre clients et banquiers associées à des titres dont le ton polémique était à peine caché. 

L'image du banquier qui essaie d'arnaquer son client est désormais bien inscrite dans les mœurs et on trouve maintenant facilement des sites proposant, gratuitement ou non, de comparer les tarifs des banques. Même certaines banques ont compris l'enjeu de cette catégorisation et s'y mettent aussi en utilisant l'auto-dérision dans leurs campagnes de communication. Le Crédit Mutuel par exemple met en scène un père qui découvre avec effroi que son fils est banquier (voir vidéo ci-dessous).


Pourtant, les chiffres utilisés par les journaux présentent souvent des erreurs (Jusqu'à quel point doit-on vérifier ses sources?) et alimentent la controverse imputée aux banques. Par exemple, le magazine Capital présente ce mois-ci une augmentation de 104% des frais d'opposition sur chèque pour la Banque Populaire Rives de Paris alors que l'augmentation n'est en réalité que de 2,6%.
Les consommateurs, comme les médias, ont tendance à oublier que les banques sont des sociétés privatisées au même titre que des vendeurs de légumes ou des magasins de vêtements. Les milliers d'employés sont rémunérés en grande partie par les frais bancaires issus des ventes de produits et services et non pas par l’État. Ces banques proposent également des services bancaires de base gratuits auxquels n'importe quel client peut prétendre. La crise des subprimes aurait aussi été en partie évitée si les clients n'avaient pas emprunté de manière déraisonnable.

En cette période post-élection, n'oublions pas qu'il est de la responsabilité de chacun d'agir et consommer dans une logique d'économie durable. Ne jetons pas si facilement la faute sur les grandes entreprises alors que chacune de nos actions individuelles a une véritable conséquence sur la société.

Sources :

mardi 15 mai 2012

L’avènement du paiement sans contact en France

La diffusion de la technologie NFC (Near Field Communication) n’aura pas lieu cette année en France ! C'est en tout cas ce que dévoile une récente étude (pdf) de l'institut CSA réalisée par la direction des solutions digitales et intitulée "2012 sera-t-elle (enfin) l'année de décollage du paiement sans contact en France ?" (pdf).

C'est en s’intéressant à la relation des possesseurs de smartphones français et à leurs attentes concernant la technologie du "sans contact" que l'Institut CSA a pu définir le manque d’intérêt des utilisateurs du pays pour cette solution. Un point positif cependant, le nombre (croissant) de consommateurs conscients de l’existence du NFC dans le processus de paiement nouvelle génération. L'étude indique en effet que près de 69 % des français détenant un smartphone ont déjà des "notions" concernant le paiement sans contact et savent ce qu’est la technologie NFC.

25% des sondés font référence aux avantages de ce type d’offres qui permettent de rassembler de nombreux outils sur un seul et même support, le mobile...

Source CSA

... mais seuls 47 % de cette partie de la population cependant seraient intéressés par le fait de pouvoir utiliser ce type de paiement.
Les raisons sont diverses, liées notamment au manque de confiance en ces nouvelles technologies vis à vis de leur fiabilité et des possibles actes de piratage, mais également au risque de se faire voler son téléphone mobile et de perdre ainsi, dans le même temps, ses moyens de communication et un de ses moyens de paiement.

Des initiatives françaises
A l’occasion du salon Cartes et IDentification 2011, les professionnels du secteur s’étaient pourtant succédés afin de présenter leurs différentes propositions sur le sujet, en annonçant encore une fois que le paiement NFC allait pouvoir se démocratiser très rapidement. 

De nombreuses initiatives ont déjà vu le jour en France, poussées par les banques qui souhaitent développer leur propre solution et imposer leurs offres. En 2011 par exemple, le Crédit Agricole a lancé un nouveau pilote de paiement NFC en Normandie. De leur côté, BPCE et Visa Europe ont équipé dans une phase pilote 500 mobiles de puces microSD NFC à Nice et Strasbourg. Mais les changements opérés en 2011 n’ont pour le moment pas encore concrètement mené à un déploiement harmonieux sur tout le territoire français.

Un autre modèle de développement dans certains pays du monde
Dans le reste du monde, des solutions sont déployées, mais les offres émises sont moins gérées par les banques que par des start-up lançant par exemple leur propre service bancaire 100 % NFC (comme MoveNbank) ou des géants du web tel que Google qui en partenariat avec les Smartphones utilisant Android a lancé officiellement en septembre sa solution Google Wallet embarquant la technologie NFC. 

Reste que les si les exemples des Etats-Unis ou bien du Japon ont pu inspirer les développeurs de solutions français, les conditions de la diffusion de l’offre dans le pays ne semblent pas encore être réunies.

Les conditions de la démocratisation
Si les modèles se multiplient, la problématique d’harmonisation des offres se pose comme un facteur de la non diffusion du paiement sans contact en France. En effet, la profusion des initiatives peut mener à la confusion des porteurs potentiels et des commerçants qui attendent de voir un modèle unique se développer avant d’engager des frais liés à leur équipement.
La mise en place de terminaux compatibles est donc la première condition du décollage du paiement sans contact, suivi par l’augmentation du taux d’équipement des commerçants. Du côté des porteurs, c’est leur confiance que les développeurs et les banques doivent tenter de gagner afin de voir croitre le nombre d’utilisateurs. 

Un "cercle vicieux" s’installe car 53 % des sondés de l’étude du CSA ont déclaré qu’ils souhaitaient d’abord que la technologie se répande, pour recevoir les retours positifs de leur entourage sur l’utilisation de ce type de service avant de s’équiper eux même !

Remarques sur l'étude de l'Institut CSA (pdf)
L’étude a été réalisée en exclusivité sur un échantillon de 1 624 personnes majeures (choisies d’après une méthode de quotas et suite aux résultats d’une étude du Credoc sur les possesseurs de smartphones) entre le 10 et le 13 janvier 2012.

Un grand merci à Frédéric Renaldo, Directeur du Département des Solutions Digitales de l'Institut CSA, pour sa mise à disposition de l'Etude "2012 sera-t-elle (enfin) l'année de décollage du paiement sans contact en France ?" (pdf) et sa disponibilité.

La protection du patrimoine immatériel: un enjeu stratégique enfin reconnu

source: le blog Dalloz.
Le 23 janvier 2012, une proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires a été adoptée par l’Assemblée Nationale en première lecture.

En effet, la mondialisation de l’économie et l’accroissement de la concurrence sur tous les marchés, exacerbés par la crise économique, ont poussé certaines nations à se doter d’un arsenal juridique visant à protéger pénalement les informations sensibles de leurs entreprises en leur garantissant le secret des affaires car seul le secret permet de "s’assurer la maîtrise de l’information" (1).

Les informations à protéger sont d’une grande diversité, à l’image de l’activité de l’entreprise: des informations tenant à la rentabilité de l’entreprise, à son chiffre d’affaires, à sa clientèle, à ses pratiques commerciales, à ses coûts, à ses prix ou à sa part de marché et à d’autres données sensibles d’ordre commercial.
Or, qu’il s’agisse d’un savoir-faire, d’une stratégie ou du lancement d’un nouveau produit, les informations gardées secrètes ont nécessité des investissements et parfois des années de travail, c’est pourquoi elles revêtent une valeur patrimoniale intrinsèque (2).

A l'origine de cette loi, le constat de  M. Bernard Carayon que: "Les atteintes au secret des affaires se sont multipliées au cours des dernières années, causant un préjudice économique jugé considérable par les services de l’État, bien que difficile à évaluer, aux entreprises françaises. 
Face à ces attaques de plus en plus nombreuses, l’arsenal juridique français apparaît inadapté, faute d’une définition précise de la notion et d’une infraction réprimant efficacement ces comportements"(3).

Ce constat, M. Carayon l'avait déjà initié dans son rapport de 2003 (pdf), lorsqu'il déclarait que "la France ignore le secret des affaires. Il s’agit d’une grave lacune pour la protection du patrimoine des entreprises. Celles-ci sont dépositaires d’un nombre considérable d’informations dont l’addition représente le véritable patrimoine de l’entreprise.
Or les protections matérielles et techniques (de la destruction de documents aux pare-feu) rencontrent vite leurs limites. Même la sensibilisation des personnes ne peut suffire. C’est pourquoi la protection juridique s’avère à l’usage nécessaire, voire indispensable".

Afin de remédier à ces lacunes, la loi s'articule autour de trois volets:
  • un premier pédagogique et préventif incitant à la prise de conscience de la part des entreprises;
  • le deuxième volet créant le délit de violation du secret des affaires;
  • le troisième volet ayant pour but de reformer la loi dite de blocage du 26 Juillet 1968 (modifiée le 17 Juillet 1980).

La France tente donc de s'armer face à une menace déjà très présente lorsque d'autres pays n'ont pas attendu (tels les États-Unis qui adoptèrent leur "Clinger Cohen Act" dès 1996 afin de se protéger efficacement) et cette loi semble aller dans le bon sens mais risque, selon Maître Thibault du Manoir de Juaye (4), de se heurter dans son application à des processus et procédures longs, lourds et onéreux.

Cette loi apparait donc comme un outil supplémentaire au service des entreprises dans leur démarche compétitive mais il en ressort que le facteur clé de succès dans cette nouvelle ère de concurrence de l'information réside dans la nécessaire appréhension et maîtrise des nouveaux enjeux par l'Humain.
La loi ne saura se substituer à l'impératif d'une démarche globale d'intelligence économique et d'une culture des entreprises françaises visant à valoriser, considérer et donc protéger leurs patrimoines informationnel et immatériel comme valeur fondamentale

Sources:
(1): "Propriété intellectuelle et information: panorama comparatif international", Michel VIVANT.
(2):« Ébauche d’une définition juridique de l’information »,  J.-C. Gallou, Le Dalloz, 1994.
(3): Rapport du 11 Janvier 2012 devant l'assemblée nationale
(4) : "Droit de l'intelligence économique", Thibault du Manoir de Juaye.

Pour en savoir plus:
"Dans la guerre économique, les entreprises françaises sont désarmées", l'Usine Nouvelle
"Justice : sanctionner la violation du secret des affaires", travaux préparatoires au texte de loi
"Adopté par les députés, le «secret entreprise» pose encore question", Le Figaro blog.

Co-création dans l'automobile: mythe ou réalité?

Le 5 avril, L'Atelier, cellule de veille de BNP Paribas, dont la finalité est de "détecter les innovations de rupture annonciatrices de bouleversements pour les entreprises et leurs salariés", mettait en ligne un billet intitulé "Concevoir un véhicule se fait en mode collaboratif".
Le billet traite de l'expérience de Local Motors, une entreprise automobile américaine qui "met en compétition des individus sur des problématiques d'ingénierie et de design. Le client vote, commente et sélectionne les projets. Et peut également personnaliser le véhicule qu'il aura choisi".

Il faut souligner que Local Motors n'est pas une entreprise automobile qui produit des véhicules à grande série comme peuvent le faire les constructeurs mondiaux, e.g. General Motors,Volkswagen, Renault-Nissan, Toyota.
"L’année dernière, nous avons produit 25 exemplaires du modèle Rally Fighter [...] et nous allons en produire une centaine cette année. Nous avons 1 “micro-usine” au sud de Pheonix, dans l’Arizona, et nous allons en ouvrir davantage dans les mois et les années à venir. Cette voiture, la Rally Fighter, a été co-créée sur le site internet de Local Motors, sur lequel nous avons cet endroit appelé The Forge, où les idées deviennent réalité. Aujourd’hui, nous avons une communauté de plus de 15,500 membres venant de 132 pays. Au lieu d’avoir à acheter un logiciel CAD [Computeur Aided Design] qui coûte 6,000 ou 7,000$, nos membres peuvent télécharger le logiciel SolidEdge et l’utiliser pour moins de 20$ par mois. C’est notre manière d’encourager notre communauté à co-créer davantage via le site. Fin 2010, nous avons été approchés par DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency)[...] ils voulaient prouver qu’il était possible de développer un véhicule à vocation militaire. Tout au long du développement, on publiait régulièrement l’état d’avancement sur le site, et on recevait des retours de la part de la communauté – qu’on prennait activement en compte." (Local Motors  Co-Creation Slideshare, traduction par Yannig Roth).

En d'autres termes,  communauté, outils open source, licence Creative Commons qui permet de protéger la propriété intellectuelle de chaque membre sont les maître-mots de ce 'business model' (film Youtube).



Du coup, l'initiative de Local Motors est-elle transposable aux grands constructeurs automobiles?

Non, pas stricto sensu, car le contexte est très spécifique: 1 commanditaire: le DARPA, 1 cahier des charges déjà spécifié, 1 micro-usine, au final 1 véhicule de niche (2000 unités au maximum).
Pour autant, le mouvement de 'coopétition' est un moyen désormais fréquent de répondre aux enjeux stratégiques auxquels doivent faire face les constructeurs automobiles. Ces derniers en effet peuvent faire face  (voire "neutraliser") à l'hyperconcurrence du secteur automobile en engageant des stratégies gagnant-gagnant avec certains protagonistes du modèle de Michael Porter.


Des stratégies 'gagnant-gagnant', mais comment et avec qui?

*Avec des concurrents directs via coopérations et partenariats : on citera 2 exemples (non restrictifs) tels  l’Alliance Renault-Nissan et Daimler AG, annoncée le 7 avril 2010, consistant en une coopération notamment sur une nouvelle architecture commune pour les petits véhicules, sur les moteurs; ou encore la 'Joint Venture' qui lie depuis fin 2011 BMW-PSA, "BMW Peugeot Citroën Electrification", leur coentreprise dédiée aux véhicules hybrides et électriques.
*Avec des fournisseurs (co-innovation) : Toyota et Microsoft ont signé un partenariat en avril 2011 pour équiper les automobiles Toyota de services multimédia et communicants ou encore Mitsubishi et GS Yuasa ont formé une 'Joint Venture' pour développer et construire des batteries lithium-ion.
*Avec des clients (co-création, crowdsoursing): par exemple Volkswagen proposait de participer à la création des systèmes d’Infodivertissement du futur (concours App My Ride) ou encore Mini  lançait un concours de créativité afin d’imaginer la meilleure façon d’utiliser l’espace entre les sièges avant de leur dernier modèle.

Alors, la co-création, une réalité mais pas la réalité 

En définitive, les enjeux d'innovation, d'optimisation de la R&D, de QCD (Qualité-Coûts-Délais), d'adéquation aux besoins clients sont des problématiques clés auxquelles les constructeurs automobiles doivent faire face.  La co-création, tout comme la coopération, la co-innovation représentent donc des mouvements stratégiques qui permettent de partager et/ou minimiser les risques. Pour autant, l'hyperconcurrence reste le contexte de référence; contexte où les 5 forces de Porter s'exercent, le plus souvent dans un jeu à somme nulle.

jeudi 10 mai 2012

Les normes : une stratégie cachée

Les normes sont souvent perçues comme de la "paperasse" contraignante dans le monde de l’entreprise. Ce qui est une grave faute d’impression par les salariés et les chefs d’entreprises. Les entreprises devraient prendre en considération la culture des normes dans leur société et expliquer leurs rôles majeurs.
Une norme désigne un ensemble de spécifications décrivant un objet, un être ou une manière d’opérer. Il en résulte un principe servant de règle et de référence technique. Une norme n'est pas obligatoire, son adhésion est un acte volontaire, mais certaines peuvent être rendues obligatoires par un texte réglementaire ou décret de loi.

Certains pays ont compris leurs rôles comme l’Allemagne en influençant les normes dans leur sens afin d’avoir un avantage concurrentiel en ayant une longueur d’avance. « Qui fait la norme, fait le marché » dit on en Allemagne. Un autre pays a bien compris ce principe : la Chine. Elle tente d’influencer les normes internationales en augmentant son niveau de responsabilité au sein des comités techniques de l’ISO.


source : http://ensamblog.wordpress.com/mastere-specialise
La France occupe la deuxième place dans les instances européenne et la troisième au niveau international. Afin de maintenir cette position, Monsieur Olivier Buquen, délégué interministériel à l’intelligence économique, a rédigé un rapport sur « les stratégies d’influences de la France dans la normalisation internationale ». Ce rapport préconise 10 pistes pour renforcer l’influence au sein des instances européenne et internationale. L’une des propositions pour inciter les entreprises à participer aux travaux de normalisation est la possibilité d’un alignement du crédit d’impôt normalisation sur le crédit d’impôt recherche.