jeudi 12 juillet 2012

Conférence "La France est-elle sous influences ?" - compte-rendu

Nous vous annoncions précédemment le succès rencontré par la conférence « La France est-elle sous influences ? » organisée par SKEMA Business School et son Centre Global Intelligence & Influence (GIISK), la Conférence Olivaint et les éditions Vuibert à l’occasion de la sortie du dernier livre de Claude Revel « La France : un pays sous influences ? ».

Vous trouverez ci-dessous un résumé des points clés abordés lors de cette conférence, réalisé par des étudiants du Mastère Spécialisé en Intelligence Economique et Management des Connaissances de SKEMA. Un compte-rendu complet sera publié très prochainement ainsi que la vidéo de l’évènement.

Pour rappel, les intervenants présents à cette conférence étaient :
  • Jérôme Brunel, membre du Comité exécutif du Crédit agricole ;
  • Jean-Marie Cambacérès, ancien Député et Président de France-Asie ;
  • Eric Delbecque, Directeur de la Sécurité Economique à l’INHESJ (Institut national des hautes études de sécurité et de justice)  ;
  • Alice Guilhon, Directrice générale de SKEMA;
  • Claude Revel, Directrice du GIISK.
Ces derniers étaient invités à exposer leurs analyses et expériences puis à échanger avec l’auditoire. 

Qu’est-ce que l’influence ?

Claude Revel
Selon Claude Revel, « l’influence est une relation consciente ou inconsciente qui permet de faire agir ou penser autrui selon ce que veut l’émetteur de l’influence, sans exercice de la force ni paiement ». Elle peut prendre différentes formes dans différents contextes et revêt aujourd’hui un caractère décisif si l’on veut comprendre et maîtriser l’environnement qui nous entoure. L'influence est "séduction, conviction, argumentation". C'est une prise de pouvoir « consentie » au niveau collectif et désormais  facilitée  par l'évolution des  technologies de l'information et de la communication.

L’influence est une manière de traiter l’information, information que l’on peut assimiler à une énergie qui doit donc être exploitée en tant que telle. Cette énergie a permis de faire émerger de nouveaux acteurs comme les ONG par exemple. Il s’agit d’une « arme de compétition » (il faut expliquer, convaincre afin de protéger sa marque, son image, sa réputation,…) opérant en amont (avec les règles et normes) et poussant les organisations et les Etats à changer de mode de gouvernance (une confiance de plus en plus grande est accordée aux intérêts privés dans le cycle de décision). Pour cela, anticiper est plus que nécessaire.

Pour Claude Revel l’influence devrait donc être un mode de gouvernance en soi, précédé par une anticipation et permettant au total d’agir sur les règles et les normes. La France doit intégrer le fait que l’influence véhicule des modèles et des valeurs dans un monde de plus en plus « libéralo-moral » parfois contradictoire puisque soucieux de garantir un maximum de liberté en produisant de plus en plus de règles. 

Eric Delbecque
Selon Eric Delbecque, l’influence est également un sujet multiforme prenant tout son sens dans le contexte d’incertitude actuel. Dans ce contexte, la grille d’évaluation des rapports intersubjectifs basée sur l’amour, la guerre, la négociation et l’influence évolue. Ce phénomène s’explique notamment par le fait que deux de ces critères sont entrés en conflit : la guerre (contrainte) et l’influence. L’influence est une métamorphose de la contrainte sous le poids historique et moral des deux guerres mondiales qui ont transformé ces rapports intersubjectifs : la guerre en tant que telle a perdu sa légitimité et sa nouvelle forme passe donc par l’influence. Cette dernière agit selon ses propres critères que sont l’exemplarité, l'argumentation, la séduction et la manipulation.

L'influence dans l'enseignement supérieur

Alice Guilhon
Selon Alice Guilhon, l’exemple de l’enseignement supérieur est caractéristique de l’évolution des enjeux et des influences que subit aujourd’hui la France. En effet, ce secteur doit faire face à une concurrence internationale forte et est devenu un moyen d’influence en tant que tel : chaque région du monde tente d’imposer son modèle en créant des instances ou organismes de normalisation, d’accréditation, de labélisation afin d’imposer ses standards aux autres. La France et l’Europe sont aujourd’hui confrontées à des critères d’évaluation qui ne sont plus forcément les leurs, pour exister sur la scène internationale et doivent donc impérativement réussir à inverser cette tendance (exemple des normes AACSB versus EFMD).

Il est vrai que la France subit des influences anglo-saxonnes (surtout américaine) et asiatique… mais elle est en train de s'armer. Alice Guilhon cite l’exemple de SKEMA ayant réussi à importer des « classes prépas », modèle typiquement français, aux Etats-Unis.

L'influence dans la finance

Jérôme Brunel
Jérôme Brunel nous rappelle que le monde bancaire est un marché extrêmement régulé dans lequel, nous explique-t-il, chaque acteur essaie d’imposer son modèle afin de dominer le marché. Là encore, l’influence anglo-saxonne est prépondérante mais la France tente désormais de riposter en s’organisant et en se structurant tant au niveau européen qu’au niveau international. Jérôme Brunel nous indique que cette influence financière est réelle et qu’elle ne tient pas du complot mais plutôt d’une réaction systémique. Ainsi, la convergence d’intérêts entre les acteurs transforme les marchés en révélateurs et en amplificateurs de situations, les conduisant à la spéculation par mimétisme.

L'influence chinoise

Jean-Marie Cambacérès
Jean-Marie Cambacérès nous explique que la Chine n’a pas véritablement de doctrine de l’influence : cette dernière est contradictoire et non coordonnée. Mais, des progrès ont été faits depuis 30 ans. Aujourd'hui, elle utilise les mêmes outils que les autres pays malgré ce manque de coordination.




La France, un pays influent ?

Eric Delbecque rappelle que la France a longtemps utilisé les outils classiques d’influence : outils diplomatiques, culturels, économiques, militaires… mais ceux-ci ne peuvent plus fonctionner si nous continuons à les utiliser de manière isolée.

Pour Claude Revel, la France a du mal à s’approprier certaines nouvelles règles du jeu et ne construit pas de véritable stratégie d’influence. Elle doit s’affranchir d’idées préconçues qui la freinent dans son rôle international. La notion de réseau se résume trop souvent au « copinage » ou à son aspect technique certes plutôt bien maîtrisé mais la France n’est pas assez présente dans les cercles de réflexion, « think tanks » ou même lors des rencontres internationales qui sont devenues les vrais centres de prises de décisions stratégiques. La France a par ailleurs encore du mal à appréhender certaines notions telles que l’autorégulation ou autoréglementation.

Claude Revel indique que les Etats-Unis sont pionniers mais la Chine, le Brésil, le Qatar sont en train de se renforcer. Comme l’a rappelé Eric Delbecque, la France s’est trop longtemps appuyée sur les outils traditionnels de l’influence. Claude Revel précise qu’elle doit désormais jouer à plusieurs niveaux : elle doit d’abord être cohérente en son sein et parler d’une voix uniforme pour espérer, ensuite, jouer son rôle au nom et avec l’Europe sur le plan international.



En conclusion, nous l’avons bien compris, la compétition a lieu en amont si l’on veut espérer imposer ses idées au reste du monde : « agir après, c’est trop tard ! ». Par ailleurs, l’influence est un véritable pouvoir applicable à divers niveaux, économique, politique, culturel… mais qu’il faut vouloir !

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