jeudi 19 juillet 2012

"La France est-elle sous influences ?" - compte-rendu complet

Comme annoncé précédemment, vous trouverez ci-dessous le compte-rendu officiel de la conférence "La France est-elle sous influences ?".

Ce compte-rendu, rédigé avec l'aimable contribution de Carl Soutra, diplômé du MS IEMC (promotion 2011), est téléchargeable au format Adobe Acrobat (pdf). Vous pouvez également visionner la conférence. Voir liens ci-dessous :
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La France est-elle sous influences ?

Conférence du 30 mai 2012 à Sciences Po (19h-21h)

Organisée par la Conférence Olivaint, SKEMA Business School (Centre Intelligence & Influence, GIISK) et les éditions Vuibert, cette conférence s’est tenue à l’occasion de la sortie du nouvel ouvrage de Claude REVEL, « La France : un pays sous influences ? ». Après une introduction par le Directeur du Campus Sciences Po de Paris, David COLON, puis des interventions des responsables étudiants de la Conférence Olivaint, Salomé BERLIOUX (Présidente), Jérôme FABIANO et Bobelle KASHIO-LUKANGA, les panelistes suivants se sont réunis :

  • Eric DELBECQUE, directeur du département sécurité économique de l’INHESJ a exposé sa vision sur ce sujet en tant qu’acteur de l’État.
  • Alice GUILHON, directrice générale de SKEMA Business School, a donné son point de vue sur l’influence dans le secteur de l’enseignement supérieur international.
  • Jérôme BRUNEL, membre du comité exécutif du Groupe Crédit Agricole, a pris la parole sur le thème de l’influence dans le monde financier.
  • Jean Marie CAMBACERES, ancien député et Président de France Asie et Démocratie 2012, a quant à lui analysé l’environnement politique et la Chine et l’Asie.
  • Claude REVEL professeure à SKEMA et praticienne de l’IE, a finalement synthétisé les grands enjeux et les mécanismes communs de l’influence, « rouage-clé de notre société mondialisée ». 

Grâce à des exemples précis et percutants émanant des vies professionnelles et personnelles des panelistes, les participants à ce colloque ont pu découvrir de nouveaux aspects de l’influence. La diversité des sujets abordés permet de se rendre compte que les stratégies d’influence, quelles qu’elles soient, maillent dorénavant nos vies, pour le meilleur comme pour le pire. Une fois ce constat accepté, le public ne peut que convenir d’une faiblesse d’adaptation de nos structures politiques, économiques et administratives face à ces nouveaux enjeux. L’influence est synonyme de formidables opportunités autant que de menaces et sans pécher par excès d’optimisme, il paraît raisonnable de penser que la France puisse sortir par le haut de cette période difficile si certaines réformes et évolutions sont mises en place. On sent que la prise en compte des stratégies d’influence évolue dans notre pays, dans les entreprises comme dans les administrations, mais que beaucoup de sensibilisation reste à faire, notamment à destination des élites décisionnaires, pour anticiper les réalités du XXIème siècle.


Claude REVEL expose d’abord que selon elle, l’influence est aujourd’hui plus encore qu’hier multiforme et qu’il s’agit dorénavant d’un nouveau pouvoir dans les ordres économique, financier mais aussi politique et culturel. Souvent visible mais aussi invisible, l’influence porte en elle des valeurs et des visions qui permettent de s’imposer imperceptiblement, y compris à un niveau planétaire. Claude REVEL précise que l’objectif du débat ci-après est de lancer en France une réflexion qu’elle entend bien continuer avec le Centre Global Intelligence et Influence de SKEMA Business School.

Le débat est animé par Jérôme FABIANO (JF) et Bobelle KASHIO-LUKANGA (BKL). Celle-ci « plante le décor » de la conférence et notamment, aborde les tentations contradictoires de la théorie du complot et du doute, que l’analyse permet de surmonter.

JF demande à Eric DELBECQUE comment les décideurs intègrent les pratiques d’influence dans un nouveau contexte caractérisé par l’incertitude et le changement permanent.

Eric DELBECQUE entame son propos en disant que l’influence n’est en soi pas nouvelle, qu’il est en revanche intéressant de poser une grille des rapports entre les hommes, qui fonctionnent sous quatre modes : l’amour, la guerre, la négociation et l’influence. Cette dernière a certes toujours existé mais elle a aussi évolué. L’influence est un mélange d’exemplarité, d’argumentation, de séduction et de manipulation. Auparavant, l’influence se fondait principalement sur la culture, source notamment du rayonnement de notre pays. Un élément caractéristique de l’époque actuelle est la collision frontale que l’on peut observer entre la guerre et l’influence, ce qui permet de dire qu’aujourd’hui, l’influence est la métamorphose de la contrainte, de la violence. Cette métamorphose se justifie pour Eric DELBECQUE par notre histoire et notamment par les deux guerres mondiales du XXIème siècle. Aujourd’hui, la guerre n’est plus tolérée par les nations occidentales et l’influence a donc comblé ce vide à l’aide de méthodes plus policées.

Comment l’État français affronte-t-il les enjeux d’influence ?

L’Etat intègre mal les stratégies d’influence. Il faudrait accepter que les outils classiques ne fonctionnent plus de la même manière (diplomatie, actions militaires…). Dans ce monde incertain et complexe, les échiquiers sont désormais interconnectés et les Etats sont concurrencés par bien d’autres acteurs. Cette évolution n’est pas perçue par tous en France. Il faut inciter nos pairs à prendre conscience des jeux d’acteurs et de la nécessité de travailler en liens les uns avec les autres. L’Etat français doit faire des efforts en ce sens.

BKL s’adresse ensuite à Alice GUILHON et lui demande si l’enseignement supérieur doit aussi à faire face à de l’influence extérieure ? Quel est par exemple le poids des normes ? Des pressions médiatiques ?

L’enseignement supérieur s’est globalisé ces dernières années et cette évolution a attiré les stratégies d’influence, elle a aussi permis la création d’acteurs visant à standardiser et normaliser les programmes éducatifs ou de recherche. Alice GUILHON prend à titre d’exemple, la course à la standardisation que se livrent EFMD et AACSB. Leur influence conduit par exemple les établissements de formation à définir des stratégies, ce qui n’était pas nécessairement leur  comportement courant auparavant. Ces enjeux sont d’autant plus importants que la formation est un vecteur d’influence économique ou politique pour les Etats, qui sont par conséquent actifs sur ces sujets. L’un des objectifs de ces organismes est d’arriver à contrôler et standardiser ces jeux d’influence. Il existe des organisations régionales spécialisées, au même titre que des associations politiques comme l’ASEAN ou le MERCOSUR, voir par exemple l’association asiatique des Business School, il en est de même pour le continent africain. Ces outils de normalisation et de standardisation adoptés par les continents et les pays sont au final de véritables armes pour imposer des règles bien précises, mais cette pression est contrebalancée par les progrès insufflés par ces mêmes démarches. Ce sont aussi ces organismes qui promeuvent des enseignements d’éthique, de diversité…. Cela dit, cette pression a pour conséquence une perte dans la diversité des programmes et la moindre innovation d’un établissement est rapidement reproduite par ses pairs, ce que regrette Alice GUILHON. La norme dans le management est aujourd’hui clairement définie par les Anglo-saxons, d’où l’intérêt de se féliciter de la présence de certains Français à des postes clés de l’EFMD.

La Directrice de SKEMA est ensuite interrogée sur le fait de savoir si les enseignements français et européens sont bien armés pour faire face à cette influence ? On lui demande également si les Français et Européens sont alliés ou non dans cette bataille.


Alice GUILHON explique que toute cette réflexion est très récente de la part des Français et des Européens. Nous étions auparavant toujours suspendus à ce que proposaient les Américains. Aujourd’hui, une nouvelle tendance à la différenciation se fait jour et les établissements européens tendent à s’extirper de ces modèles. En ouvrant un campus aux USA, SKEMA vise notamment à montrer les vertus du système éducatif français. SKEMA va par exemple ouvrir une classe préparatoire sur place, ce qui est un système totalement inconnu aux Etats-Unis. Une norme asiatique est en cours de préparation mais il faut avoir conscience que les acteurs européens résistent bien à l’heure actuelle comme le montrent les classements du Financial Times. L’Europe est en train de s’armer pour réagir. La Directrice Générale de SKEMA nuance cependant son propos en disant que si les Européens arrivent à bien s’entendre, ce n’est pas toujours le cas entre Français, or cette étape initiale est un élément clé pour définir une stratégie d’influence commune.

Y a-t-il une manière française d’influencer ? Celle-ci est-elle poussée par l’Etat Français ? Comment celui-ci intègre-t-il ces stratégies d’influence ?

La France est caractérisée par la cohabitation de deux systèmes d’éducation : le système universitaire et celui des « grandes écoles ». Lors de la production du référentiel d’Intelligence économique, Alice GUILHON et Alain JUILLET ont cherché à montrer l’importance de l’enseignement de cette approche pour la compétitivité à terme de notre pays. L’écho initial ne fut pas très positif mais petit à petit, cela évolue et le soutien des pouvoirs publics est davantage affiché aujourd’hui.

Au-delà des membres de la Conférence des Grandes Écoles, que pensent les autres dirigeants d’Écoles sur les sujets d’influence ?

Les dirigeants d’Écoles perçoivent l’intérêt de maîtriser ces jeux d’influence, cela ne leur donne pas pour autant la capacité à agir clairement sur ces sujets. L’INHESJ et les établissements pilotes qu’il a promus permettent aujourd’hui un démarrage à grande échelle de l’enseignement de l’intelligence économique, dont fait partie l’influence.

Jérôme BRUNEL reçoit à son tour les questions des animateurs. JF expose l’enjeu de normes et de régulation que représente la finance aujourd’hui. Il demande en souriant s’il y a un « complot » ou une influence concertée du capital au niveau mondial.

Les masses de liquidités sont telles que Jérôme BRUNEL ne voit pas comment un Big Brother pourrait ordonner une quelconque tendance. Cependant, les marchés sont composés d’acteurs qui font des analyses rationnelles quand ils ne sont pas en panique et ils ont des convergences d’intérêts ; cela a le pouvoir de révéler certaines situations. Jérôme BRUNEL insiste par ailleurs sur la différence qu’il y a entre révéler une situation et la créer ou l’amplifier notamment par des comportements spéculatifs « moutonniers ». Les entreprises bancaires sont aujourd’hui confrontées à une avalanche de régulations qui concernent tous les secteurs de la banque, tant le capital que les liquidités et la manière dont les acteurs peuvent être ou non sauvés. C’est ici qu’interviennent les actions d’influence que pratiquent les banques, afin que les règles qui seront édictées pour les prochaines années collent au terrain et leur permettent de continuer à faire leur travail. Rien n’est cependant neutre, derrière certaines règles comme Bâle III, il y a une guerre des modèles bancaires. Une guerre afin que les modèles qui prévalent dans certains pays prévalent sur d’autres, par un effet de concurrence visant in fine à affaiblir le système bancaire du voisin. Il ne faut donc pas être naïf et de véritables jeux d’influence se cachent derrière une apparente technicité. Jérôme BRUNEL différencie de la même façon qu’Alice GUILHON la bonne influence de la mauvaise. Il rappelle en effet que comme toute entreprise cotée, le Groupe Crédit Agricole est sous influence du marché et que cela est un bon correcteur.

Que pense M. BRUNEL de l’influence à l’heure de l’avènement du concept RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) et comment des pratiques d’influence peuvent elle selon lui s’intégrer dans un cadre éthique ?

Cette compatibilité va de soi : les lobbyistes français et européens ont peu de budget, par ailleurs les entreprises ont adopté des pratiques de RSE et les mots cohérents avec la réalité sont leur seule arme, à ne pas gâcher, dans un système démocratique européen extrêmement transparent, peut-être même parfois trop.

Homme politique français, Jean Marie CAMBACERES se voit quant à lui demander par BKL si la situation de l’influence en France peut être comparée à celle en vigueur dans  d’autres Etats ? Quid de Démocratie 2012 ?

Les entreprises sont loin d’être les seules à faire de l’influence auprès des politiques, les organisations professionnelles, syndicats et autres ONG sont au moins aussi présents. Cependant on n’est pas du tout au niveau des États-Unis en ce domaine et les pressions sur les parlementaires n’ont rien à voir en France avec la situation outre-Atlantique.
Beaucoup de think tanks existent, à gauche, parmi lesquels la Fondation Jean Jaurès ou Terra Nova. Démocratie 2012 a comme caractéristique de mailler le territoire et a comme ambition de faire remonter à Paris les opinions du  terrain sur les réformes.

En tant que spécialiste de l’Asie, JM CAMBACERES est interrogé sur la manière dont les Chinois abordent l’influence à l’international.

La Chine signifie « Empire du Milieu » en chinois ce qui prouve par la sémantique, s’il en est besoin, que l’influence sur l’étranger n’est pas ancrée dans la tradition chinoise... Cette velléité d’influence a été ponctuelle dans les années 70 et s’est depuis atténuée avec l’intégration du pays dans le grand concert des nations. Selon Jean Marie CAMBACERES, la Chine n’a pas de concept propre, ils ont davantage intégré ce qui se faisait ailleurs. Si le pays commence à avoir une réelle influence, c’est parce qu’il devient une puissance économique de premier plan, parce qu’il effectue des essais militaires et parce qu’il met en place des stratégies de soft power, les meilleurs exemples étant les Jeux Olympiques de Pékin, l’Exposition Universelle de Shanghai ou les Centres Confucius dans le monde. Cependant, pour que l’influence fonctionne, il faut que le fond soit bon et certains événements, parfois qualifiés par les responsables politiques chinois de faits divers, comme les protestations des bonzes tibétains, ruinent rapidement les efforts de longue haleine entrepris par les Chinois.

Quels sont les leviers d’influence de la France sur l’Asie ?

Par sa puissance économique, son rayonnement culturel, son statut diplomatique, sa puissance militaire ou bien encore sa langue, la France dispose des leviers classiques de l’influence. Cependant, ces leviers ne sont pas coordonnés entre eux et perdent ainsi en efficience. En ce qui concerne l’aspect économique, le poids de la France dans les échanges de la Chine représente moins de 1% de ceux-ci. L’initiateur de Démocratie 2012 pense que si les actions d’influence françaises étaient coordonnées et organisées, leur poids pourrait être non-négligeable en Asie.
D’une manière générale, les décisions internationales « ne tombent pas du ciel » mais sont longuement débattues durant de nombreuses réunions préparatoires desquelles la France est régulièrement absente. Avant d’être diffusée et validée, une circulaire  européenne est préparée durant 4 ou 5 ans dans les enceintes bruxelloises.

Les animateurs demandent à Claude REVEL d’évoquer finalement les quelques aspects particulièrement importants de l’influence.

Influencer c’est faire penser ou agir l’autre selon votre souhait à vous, sans utilisation de force ni de paiement. Les deux principaux outils pour cela sont la séduction et l’argumentation et ceux-ci sont souvent liés dans la réalité. L’influence revient selon Claude REVEL à une prise de pouvoir consentie, pas nécessairement consciente pour autant. Les stratégies d’influence peuvent se développer à un niveau individuel mais aussi sur un théâtre collectif et cela est facilité par le développement des techniques d’information et de communication. Selon Claude REVEL, l’information est une énergie en tant que telle, cependant invisible et l’influence est une manière de traiter cette information. L’influence a donc permis à certains acteurs disposant de pouvoirs limités telles les ONG ou certaines associations de gagner en poids et en visibilité. Le corollaire est que les acteurs institutionnels en place ont dû repenser leur mode de relation au monde.

L’influence est une arme de compétition que l’on soit une entreprise, un Etat ou une école qui doivent perpétuellement convaincre. Ces acteurs s’appuient pour cela sur l’influence, composée ici de l’image de l’acteur, de sa réputation… La compétition a de plus en plus lieu en amont de la bataille à proprement parler et c’est cette pré-bataille normative et réglementaire qui est justement le terrain de jeu favori de l’influence, qui s’est d’ailleurs fortement professionnalisée.

L’influence a aussi contribué à l’évolution de notre mode de gouvernance politique, elle est aujourd’hui le mécanisme de formation de la décision publique, comme aux  Etats-Unis où les pratiques de lobbying sont officiellement encadrées. Autre forme de gouvernance, celle des entreprises où surveiller et influencer son environnement devient une obligation et où il faut donc anticiper afin d’être in fine en mesure de façonner l’avenir en fonction de sa vision. Ces démarches de bonne gouvernance sont couramment appelées diplomatie d’entreprise, advocacy, public diplomacy, soft power dans le monde professionnel. Ainsi, en « imbibant » de façon discrète les règles et les cerveaux, à l’aide de think tanks et de relais d’opinions, les acteurs influencent leurs environnements.

L’influence est aussi un véhicule de modèles de société et de valeurs. Si l’influence américaine est un tel succès, c’est qu’elle est porteuse d’un message. C’est aussi pour cela que des pays comme le Brésil, le Qatar ou la Chine s’intéressent à cette ingénierie de l’influence. Notre société occidentale est aujourd’hui, selon Claude REVEL, dans un mode de gouvernance libéralo-morale où des règles très libérales côtoient une éthique déjà normée et toujours en cours de normalisation.

Les Français se sont-ils approprié l’influence ?

Claude REVEL estime que ces pratiques commencent seulement à être acceptées en France, on tolère par exemple aujourd’hui du bout des lèvres le lobbying. Elle argumente son propos en faisant référence à la notion de l’information énergie abordée précédemment et dont la valeur n’est pas encore intégrée par nos concitoyens. Selon l’auteur du livre « La France : un pays sous influences ? », nos concitoyens ont du mal à comprendre un mode de fonctionnement où la loi est faite avec l’aide de ceux-là même pour qui elle est faite, voire même par eux (la soft law, les autoréglementations). La caractéristique dite cartésienne de la réflexion française, y compris chez nos dirigeants, ne favorise pas cette prise de conscience. Ces hommes et femmes ne voient pas toujours l’intérêt de s’impliquer dans des cercles de réflexions pour nourrir leur prise de décision. L’influence est par nature transversale, ne peut être cloisonnée et se nourrit d’échanges et de confrontation d’idées, de points de vue et d’analyses. Cet esprit cartésien génère aussi certaines difficultés avec quelques outils régulièrement utilisés dans les stratégies d’influence, elle cite l’exemple du classement. En France, l’auteur du classement est considéré comme neutre par nature et il est difficile d’imaginer que les classements répondent à des intérêts quels qu’ils soient. Or c’est bien souvent le cas des classements internationaux, comme par exemple le « Doing Business » » de la Banque mondiale ou le classement de Shanghai sur les universités, et ce n’est pas être paranoïaque que de dire cela. De la même façon, les réseaux en France font plus souvent appel à des notions de copinage qu’à des notions de compétences.

Selon Claude REVEL, les Français ont bien intégré les aspects techniques du web et des réseaux, notamment sur les réseaux sociaux. Cependant, elle fait la distinction entre la compréhension technique et la faculté à utiliser cette compréhension pour l’utiliser comme une arme stratégique au service d’entreprises. Cela est encore plus vrai au niveau de l’Etat en termes d’influence internationale et politique.

A la suite de l’ensemble des propos émis par les autres panelistes, il paraît important que la France apprenne à jouer sa propre partition, vers l’Europe et vers le monde. En ce sens, la France doit s’appuyer sur ses atouts et parmi ceux-ci, sur son capital culturel et son réservoir d’idées politiques, uniques au monde. Ces atouts doivent néanmoins être utilisés avec finesse et sans arrogance aucune, avec une grande discrétion et avec les mots des autres pour nous faire comprendre.

Claude REVEL plaide donc pour la mise en place d’une telle ingénierie au plus haut niveau de l’Etat, en la forme d’une structure fondée sur des priorités de long terme et s’articulant simultanément sur les trois piliers économiques, politiques et culturels, comment le font nos principaux coopétiteurs.

L’ultime question des animateurs s’adresse à l’ensemble des panelistes : cette nouvelle donne de l’influence peut-elle renouveler la démocratie ? Préfigurer un mode de gouvernance internationale ?

Jean Marie CAMBACERES estime que le train avance d’ores et déjà et que par conséquent, si nous ne le prenons pas en marche, la France se verra imposer un certain nombre de choses y compris des normes, un nouveau modèle de droit… Quant au renouvellement d’une diplomatie, il pense que l’influence, même à l’échelle planétaire, n’est en rien dévolue au seul Quai d’Orsay. Le problème de la France est que selon lui, il n’y a pas de pilotage global pilotant tous les secteurs, allant de l’accueil des étudiants étrangers, à la promotion de la langue française, la protection de nos savoir-faire et la compétitivité de nos entreprises.

Eric DELBECQUE pense, lui, que l’influence met à l’épreuve la diplomatie traditionnelle dans le sens où celle-ci ne s’intéressait qu’aux rapports entre les États, or la société actuelle est composée de beaucoup plus d’éléments que de la seule action de l’État y compris la société civile et que l’influence est justement la capacité à agréger une myriade d’acteurs dont l’État n’est qu’une composante et de les faire concourir à un objectif commun. Il estime que le jour où la diplomatie aura compris que l’État ne parle plus à l’État mais que des nations et des blocs régionaux échangent entre eux via une myriade d’intervenants divers et variés, alors, la diplomatie aura achevé sa mue et sera passée dans l’ère de l’influence. Jérôme BRUNEL tient à nuancer et rendre plus positifs ces derniers propos. Il pense que la situation décrite est celle des années 90. Il estime qu’à l’heure actuelle, notamment dans la finance, les acteurs privés comme étatiques travaillent de concert en bonne intelligence.

De nombreuses questions sont ensuite posées aux conférenciers. Nous suggérons aux lecteurs de se reporter à la vidéo des débats.

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