jeudi 20 septembre 2012

Le compagnonnage, une tradition unique de transmission de savoir

Le compagnonnage est la pratique de transfert de savoir et savoir-faire liés aux métiers de la pierre, du bois, du métal, du cuir et des textiles ainsi qu’aux métiers de bouche la plus reconnue.

Pour comprendre le compagnonnage il faut remonter dans le temps. Même si son point d’origine, sa date de naissance reste inconnue on retrouve des corporations de forgerons sous les Pharaons mais aussi des collèges d’artisans de charpentiers dans la Rome antique. Paradoxalement cette pratique traditionnelle s’est vue malmenée par l’histoire : condamnée par la Sorbonne en 1655, malmenée par la période post-révolution, interdite sous l’occupation allemande, elle survit clandestinement dans les milieux ouvriers.

Si le compagnonnage a su traverser les âges et affronter les résistances c’est que le concept va bien au delà du savoir pour englober une façon de vivre et d’être avec de vraies convictions humaines.

Le compagnonnage se traduit par l’apprentissage d’un métier manuel ou plutôt son perfectionnement : un apprentissage pour l’excellence.  L’apprenti est guidé par un compagnon, ici pas de notion de maître ou de tuteur mais plus une collaboration et un partage. Au delà d’une technique d’enseignement ou d’un outil de transmission de savoir-faire le compagnonnage repose sur une véritable philosophie : il s’agit d’allier la manuel et la réflexion ; de perfectionner ses connaissances tout en apprenant un savoir être, humble et généreux. Le travail manuel revêt une dimension sacrée, dépositaire d’un secret le compagnon le révèle à l’apprenti par de nombreux rites.

En plus de refuser le duo maître/ élève le compagnonnage refuse également la pédagogie prônant la théorie puis la mise en pratique. Au contraire la particularité de cette pédagogie est l’apprentissage « sur le tas » : l’aspirant se fond dans le métier, le sent et le vit, les représentations viendront ensuite. De plus, il est dans une position de perfectionnement et doit déjà être titulaire d’un diplôme (type CAP). Les critères de recrutement ne sont pas seulement la technique mais le mérite et l’envie. Les qualités techniques ne sont pas plus importantes que les qualités humaines. L’apprenti désirant devenir aspirant doit chercher la seule maîtrise du métier mais aussi vouloir la partager et la transmettre.

L’apprenti réalise dans son initiation un Tour de France d’une durée moyenne de cinq ans afin de mieux comprendre les différents savoirs autour de son métier dans chaque atelier. Au delà du voyage c’est une initiation, une découverte du pays, des coutumes, des pratiques. Instruction et éveil de la conscience sont les mots clés de cette tradition initiatique.
Finalement, c’est la production d’un « chef d’œuvre », évaluée par les compagnons qui validera l’apprenti et lui permettra à son tour de transmettre son savoir.

Le tuteur, c’est-à-dire le compagnon est appelé à transmettre, il accompagne l’aspirant dans sa démarche, la transmission froide et descendante n’a pas de place dans cette pédagogie du partage qui prend la forme d’un chemin de vie.

Le compagnon fini n’est pas celui qui n’a plus rien à apprendre mais celui qui a atteint une certaine maturité.  Le métier s’apprend toute une vie, et enseigner consiste moins à apprendre à autrui ce qu’on sait, qu’à le faire entrer dans la recherche qu’on a déjà commencé d’entreprendre. Le compagnon n’enseigne pas il accompagne. Le compagnonnage n’est pas un rassemblement de travailleurs mais une communauté.

Le compagnonnage - inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco - apparaît comme la dernière communauté qui associe « la main à la pensée » c’est-à-dire une transmission à la fois de techniques professionnelles anciennes, et de valeurs humaines (solidarité, partage, questionnement existentiel...) via des rites d’initiation propres au métier. Ainsi la formation à l’excellence d’un métier est ici étroitement liée au développement individuel.

Aujourd’hui ne pourrions-nous pas nous inspirer de cette pédagogie pour l’insuffler dans l’entreprise ? Et si le manager devenait compagnon, c’est-à-dire s’il arrêtait d’être un expert pour devenir « mature » ? S’il arrêtait d’être le supérieur pour devenir l’accompagnant ? Le manager et le collaborateur avancent ensemble sur un même chemin, ils travaillent pour la réalisation d’objectifs et se développent à travers leurs missions. Etant latent il devient nécessaire de le mettre en mot et l’incorporer dans la relation managériale, d’arrêter de dissocier le métier du développement personnel et de valoriser la patience et la relation égalitaire.

En effet, pourquoi l’enseignement dans le compagnonnage se limiterait-il aux seuls métiers manuels et pratiques ? Nous pouvons imaginer un enseignement « sur le tas » même au sein d’une organisation, une mise en pratique directe, une immersion dans le métier dont les grandes lignes théoriques émergeront d’elles-mêmes. Ne pourrions-nous pas encourager les managers à changer leurs habitudes pour commencer par la pratique et en tirer la théorie ?

L’héritage du compagnonnage ne devrait pas se limiter aux métiers manuels et influencer le milieu de l’entreprise autant par la relation du maître vers l’élève que par la pédagogie pratique, terrain et variée.

Sources / en savoir plus :
MQ

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