Consulter la première partie de cet article "Le "Soft Power", la stratégie efficace pour un Etat? (partie 1)"
Ressources du Soft Power
Ressources du Soft Power
Nye explique que le Soft Power d'un pays est basé principalement sur trois ressources : la culture (à condition que les autres pays soient attirés par cette culture), les valeurs politiques (qu'elles soient à la hauteur et en accord en politique intérieure et extérieure) et les politiques étrangères (qu'elles soient légitimes et morales).
La culture est un ensemble de valeurs et de pratiques qui créent un sens pour la société. La culture a plusieurs formes. En général, on distingue la haute culture comme la littérature, l'art, l'éducation supérieure qui intéressent les élites, et la culture populaire qui se concentre plutôt sur le divertissement de masses.
Quand la culture d'un pays possède une valeur universelle, et qu’il mène des politiques qui partagent des valeurs et des intérêts communs avec d'autres pays, elle augmente la possibilité d'obtenir le résultat voulu par l'attraction et le sentiment de devoir produit par cette attraction. La culture qui n'est pas universelle et qui est limitée et médiocre, ne peut pas produire de Soft Power.
Quelques analystes traitent le Soft Power comme la simple puissance de la culture populaire. Ils confondent les ressources culturelles et le comportement d'attraction. Il est vrai que la culture populaire est une des ressources qui produit le Soft Power, mais le Soft Power ne se limite pas qu’au phénomène global de la culture populaire.
Les politiques gouvernementales peuvent renforcer ou dégrader le Soft Power. Si la politique intérieure ou la politique extérieure est hypocrite, arrogante, indifférente aux opinions des autres ou qu'elle a une approche limitée aux intérêts nationaux, cela peut nuire au Soft Power. Les valeurs qu'un gouvernement montre par ses actions (par exemple la démocratie dans la politique intérieure, la coopération en institutions internationales, et la promotion de la paix et les Droits de l'Homme en politique étrangère) peuvent influencer les préférences des autres pays. Les gouvernements peuvent attirer ou repousser les autres par les exemples qu'ils donnent.
En revanche, le Soft Power n'appartient pas au gouvernement autant que le Hard Power (par exemple, la force militaire qui est une ressource en Hard Power est strictement gouvernementale). Les ressources du Soft Power sont souvent indépendantes du gouvernement.
Limites du Soft Power
Il est important de vérifier les conditions dans lesquelles il est possible de retirer plus de résultats voulus par l'attraction. Par exemple, pour que la culture populaire du pays A devienne la puissance d'attraction et produise un effet de Soft Power sur le pays B, il faudrait que les cultures du pays A et du pays B soient similaires. Toutes les puissances dépendent de contextes : qui est lié à qui, sous quelles conditions. Pour le Soft Power, il est important d'avoir les acteurs qui le reçoivent, l'interprètent et le transmettent volontairement, plus que le Hard Power. De plus, les effets du Soft Power sont dispersés et vagues, et ne donnent pas qu’une action spécifique. Ils créent plutôt une influence générale.
Notre époque de l'information globalisée
Dans les pays démocratiques, la puissance d'aujourd'hui est moins coercitive et tangible qu'auparavant. En même temps, la plupart des pays ne sont pas encore au stade de la démocratie avancée. Par exemple, dans les pays africains et du Moyen-Orient, beaucoup ne sont pas encore arrivés à l'industrialisation et sont essentiellement basés sur l'économie agricole; leurs institutions sont fragiles. En conséquence, cette situation limite la transformation globale de la puissance.
Dans ce monde divers, les trois ressources de la puissance (militaire, économique, soft) sont toujours utiles et importantes et chaque relation nécessite ces puissances avec les niveaux différents. Mais, si la tendance économique et sociale actuelle bouleversée par la révolution informatique continue, le Soft Power serait la plus importante puissance parmi les trois.
La révolution informatique et la globalisation économique ont transformé et ont « rétréci » le monde. Les communautés virtuelles sont apparues, les réseaux sans frontière sont créés. Les entreprises multinationales et les acteurs non-gouvernementaux (y compris les organisations terroristes) joueront un rôle de plus en plus important. Et ces organisations auront leur propre Soft Power. Elles attireront les personnes, sans considération de frontières des pays. A ce moment-là, la politique devient une compétition pour l'attraction, la légitimité, et la crédibilité. La capacité de donner des informations, et le fait qu’elles soient reçues avec confiance, seraient une ressource importante d'attraction et de puissance.
L'importance de Soft Power sera de plus en plus grande dans notre époque de l'information. Les pays qui veulent renforcer leur Soft Power devraient avoir plusieurs voies de communication pour encadrer leurs programmes et arriver à des résultats : avoir la culture et les idées proches des normes globales (libéralisme, pluralisme, autonomie) et être crédibles concernant les valeurs et la politique intérieure ou étrangère.
Ce Soft Power, dont nous aurons besoin de plus en plus, n'est pas un simple résultat des actions officielles de gouvernement, mais aussi un sous-produit de la société économique et sociale. Il arrive que les actions des associations à but non lucratif puissent bloquer ou rendre compliqués les efforts des gouvernements, de même des entités commerciales traitant la culture populaire peuvent aider ou freiner les objectifs de gouvernement.
"Power shift" et "Network"
Les pays émergeants et les acteurs non-étatiques sont en train de changer le système international. Avec la mondialisation, "le monde est plat" (The World is Flat : l'expression de Thomas L Friedman) : l'interdépendance mondiale et l'évolution de la technologie informatique produisent de plus en plus de communication inter-étatique mais aussi celle des acteurs non étatiques et interpersonnel. La nécessité de travail collectif et de collaboration apparaisse.
Le plus important, c'est d'apprendre à combiner le Soft Power et le Hard Power ce qui devient le Smart Power.
Trois types de Puissances (à partir du tableau p.31 "Soft Power" Joseph Nye) |
En savoir plus :
- Manga Network, CERI, SciencesPo.
- Colloque sur la diplomatie culturelle : "un atout pour la France dans un monde en mouvement"
- Joseph Nye, Soft Power : The Means to Success in World Politics, Public Affairs, 2004
- Joseph S. Nye's The Future of Power, Belfer Center Press Release, 31 janvier 2011
- Joseph Nye, The Benefits of Soft Power, Working Konwledge for Business Leaders, Harvard Business School
- Joseph Nye, The War on Soft Power, Foreign Policy, 12 avril 2011
- Joseph Nye, Smart Power needs smart public diplomacy, The Daily Star, 15 février 2010
- Kroenig, Matthew, Melissa MdAdam, and Steven Weber. "Taking Soft Power Seriously." Comparative Strategy 29, no.5 (November 2010): 412-431
- Richard Armitage, Joseph Nye, CSIS Comission on Smart Power
- American "Smart Power": Diplomacy and Development are the Vanguard, U.S. Department of State
Joseph Nye à propos des fluctuations du pouvoir dans le monde, TED global 2010
Joseph Nye : Contextual Intelligence